Bien que mes aventures londoniennes se déroulent au XIXe siècle, j’ai pensé à John Dee dès le départ. Je voulais connecter les évènements à cette figure de l’histoire anglaise.
C’est désormais chose faite. Le dernier acte se passe dans le borough de Wandsworth qui prolonge la ville le long de l’aval de la Tamise. L’endroit est fascinant avec des points d’intérêts aussi divers qu’une énorme usine à gaz, le palais abandonné de la reine Elisabeth, l’immense Richmond Park, la résidence d’un ancien Premier ministre, un observatoire concurrent de celui de Greenwich, et surtout l’ancien manoir de John Dee. C’est dans celui-ci, autour du speculum, le miroir que l’astrologue utilisait pour invoquer les anges, que se conclura cette campagne et que se scellera le destin des personnages !
Be nam noor va asrar asman, godrat man beto ressid
Deux épisodes seront nécessaires pour boucler les nouveaux mystères de Londres après l’intrusion dans la City. Me voilà donc en retard. J’avais prévu de tout terminer fin mai, car ensuite le sprint commencera pour livrer un quartier et son scénario chaque semaine durant l’été (test, relecture, correction, maquette, etc.). Le calendrier est encore tenable, puisqu’heureusement la livraison est progressive, disons que j’ai jusqu’à fin juin, un peu avant de préférence.
L’aventure dans la City est écrite. L’histoire qui semblait avoir atteint son terme rebondit avec le kidnapping d’un medium, qui était au centre de l’intrigue à Saint-Pancras. Les aventuriers sont désormais sur les traces des ravisseurs. Cela les conduit à Brixton, au sud de Londres, dans le cercle extérieur.
Les quelques bois locaux défrichés pour laisser de la place à de maigres champs, il ne reste comme ressources foncières que les marais alimentés par les débords réguliers de la Tamise et d’une rivière, l’Effra, et ses affluents. La tâche ingrate de leur assèchement fut initiée par une communauté afrocaribéenne installée sur place suite à l’abolition de l’esclavage. Leurs travaux ont mis à jour une ancienne esplanade où se dressait une centaine de potences au Moyen-Âge. Effrayés par les fantômes hantant l’endroit, ils s’en tiennent soigneusement à l’écart. Ils ont balisé le lieu tabou avec des petites statuettes de serpent peintes en blanc, représentant Damballa, un esprit vaudou bénéfique.
Là, une grosse surprise attend les personnages. Les travaux des Jamaïcains ont fini de réveiller les âmes de suppliciés victimes de la folie justicière d’un chevalier fanatisé par des moines, eux-mêmes sous la coupe d’un ondin, une créature semi-aquatique malfaisante. Désormais, leur souffrance génère un micro-univers inspiré de leur malheur. Les aventuriers y sont plongés dès qu’ils atteignent la zone ! Ils sont prisonniers de l’endroit et ne pourront en sortir qu’en libérant la conscience collective des pendus de sa douleur, c’est-à-dire en châtiant l’ondin…
Ensuite direction les abords pour la véritable fin. La City, le cercle intérieur, le cercle extérieur et les abords : ainsi, tout le potentiel géographique aura été exploité !
J’avais prévu Poplar comme lieu final. Situé à l’est de Londres, ce borough est lové dans le plus grand méandre de la Tamise. C’est le Londres des quais le long de la Tamise… et surtout le type de quartier de Jack l’Éventreur. Difficile de résister à l’appel d’une telle référence. Bien sûr, il ne s’agit pas d’utiliser Jack l’Éventreur dont l’histoire se déroulera des dizaines d’années après mes scénarios – et cela aurait sans doute fait vraiment trop poncif. L’idée est de capturer et de restituer cette ambiance avec notamment en tête l’excellent roman graphique From Hell de Moore et Campbell. Il sera donc question de morts mystérieuses, de choses grouillant dans le brouillard, de trafic d’opium, d’une série d’églises construites par le même architecte et de révélations concluant les évènements des aventures précédentes.
Mais, dans l’enthousiasme de l’écriture, je ne me suis pas arrêté là. J’ai eu envie de traiter quand même cette City interdite (!) qui trône au milieu de mon Londres et d’y envoyer les personnages. Alors, hop, j’ai imaginé un rebondissement et l’histoire continuera là-bas derrière le mur qui protège la ville du fléau de son ancien centre. Tout compte fait, c’est assez conforme aux feuilletons d’antan : après les mystères de Londres, voilà les nouveaux mystères de Londres !
Je suis en train de boucler cet épisode de la City qui nécessitera encore un ou deux scénarios avant de se conclure définitivement dans les franges sud de la ville.
Pour la suite, on reste pas très loin de Saint John’s Wood et on va juste au borough voisin, Saint Pancras. Ce quartier a pris son essor avec la « perte » de la City, qui a déplacé les acteurs du pouvoir et de l’influence vers Westminster, puis vers Saint Pancras. Cette transformation n’est pas achevée, si bien qu’on trouve des lieux très contrastés, comme un palace et presque un bidonville, à quelques rues seulement les uns des autres.
On changera radicalement d’ambiance, plus ésotériste qu’aventureuse.
Le « seigneur » de ce borough est le British Museum, qui sera au cœur du scénario. C’est le plus grand musée de Londres, perpétuellement en travaux d’agrandissement depuis plus d’une dizaine d’années. Il est ouvert au public, mais ses espaces accessibles ne représentent que la face visible de l’iceberg : des lieues et des lieues de réserves s’étendent sous le bâtiment, dans lesquelles personne n’ose plus s’aventurer tant les phénomènes étranges y sont fréquents en raison des Arcana entreposés. L’institution est gérée par un conseil d’administration animé par des jeux diplomatiques complexes entre plusieurs sociétés savantes comme l’Institut royal d’Archéologie et la société d’Archéologie biblique où s’affrontent athées et croyants, ou comme la société philologique et le fond d’exploration de l’Égypte noyautés par des groupes occultes.
Saint Pancras me donnera l’occasion de mettre en scène deux factions majeures de mes mystères de Londres ; le cercle orphique et la fraternité salomonique. Avec une scène absolument obligatoire : une séance de spiritisme dans les tréfonds du British Museum !
Hornsey est bouclé. Je suis assez content. Certes, c’est un peu de l’autosatisfaction, mais après tout je suis aussi mon premier MJ ! La partie scénario commence doucement, de manière classique pour du Into the Odd, puis d’autres directions apparaissent, jusqu’à un final très scotchant avec une jeune fille qui manifeste trois personnalités en plus de la sienne. Schizophrénie ? Possession ? Médiuminie ? Je me régale d’avance du final, d’autant plus que la bonne nouvelle est qu’elle devrait donner lieu à un podcast où une actrice de théâtre amateure devrait jouer la scène en interprétant toutes les voix. Bon, il va quand même falloir faire des essais pour voir ce que ça donne, car ce ne sera sans doute pas simple du tout.
Assez parlé de Hornsey, regardons la suite. Saint John’s Wood. Située au nord-ouest de Londres, dans le cercle extérieur, cette ancienne forêt est un borough qui dispose encore d’importants espaces non urbanisés, qui attirent des nouveaux venus quartier voisin et huppé Saint Pancras, avec en point d’orgue Regent’s Park.
Clairement, « mon » Regent’s Park sera très différent du vrai Regent’s Park. A la fois mystique et sauvage. J’imagine la nature qui a repris ses droits sur ce terrain de chasse à l’abandon, et même un peu plus que la nature puisque des créatures étranges arpentent les lieux. Ce sera l’occasion d’introduire l’OAD, l’Ordre ancien des Druides, une confrérie londonienne de l’époque. Et pas mal d’autres choses, car Saint John’s Wood est riche de potentiels très divers : orphelinat clérical, caserne de la Royal Artillery, héritage des chevaliers hospitaliers, ménagerie royale de la société zoologique, etc.
J’ai ma première « destination » ! Ce sera le borough, le quartier en quelque sorte, de Hornsey.
Hornsey est situé au nord de Londres. C’est un borough avec une population assez pauvre, habité par des ouvriers qui travaillent à l’importante usine locale des eaux ou dans des manufactures et ateliers plus éloignés. Il est fréquenté le dimanche, des habitants du cercle intérieur venant se promener dans Hornsey Wood. Le massif a été largement défriché pour faire place à des pâturages, mais il garde encore quelques parties fortement boisées.
Bref, un endroit d’apparence assez ordinaire. Mais… Hornsey abrite pour partie le cimetière d’Abney Park dont l’entrée est étonnante avec ses piliers dans un style vallée du Nil antique et couverts de hiéroglyphes. J’y vois bien des expériences secrètes inspirées par la légende d’Isis ramenant à la vie son mari Osiris au corps découpé en morceaux par Seth. J’ai justement en tête une faction parfaite pour cela, les Sybilles de Cumes. Une secte exclusivement féminine qui tient ses cérémonies dans la City, ce qui fait que certaines de ses membres développent des pouvoirs de prémonition – à moins que ce soit juste de la démence ! Leur chef est Mary Shelley, auteure du roman roman Frankestein ou le Prométhée moderne, ce qui boucle parfaitement avec mon histoire de rituels de résurrection.
Clin d’œil à Frankestein ou le Prométhée moderne, j’imagine déjà un orage dont la foudre provoque la perte de contrôle d’un monstre qui dès lors rôdera dans le cimetière…
L’année dernière, je m’étais lancé un défi : écrire en deux mois et demi une campagne pour Cthulhu Tenebris et relater chaque semaine son écriture. Nouvelle année, nouveau défi. Mais cette fois-ci, je vais être plus raisonnable !
Déjà en commençant plus tôt : cette fois, mon horizon est à cinq mois. En effet, en juin prochain, nous lancerons le financement de la traduction de la version « remastered » de Into the Odd , le jeu d’exploration et d’enquête dans un monde d’étrangetés et de mystères industriels et cosmiques. L’objectif est la diffusion du PDF dans la foulée du financement, ainsi qu’une campagne-feuilleton dont les épisodes sortiront chaque semaine en juillet. Deuxième élément plus raisonnable, j’opte pour un autre rythme en vous proposant un rendez-vous par mois, axé sur les lieux de ces futurs épisodes.
Je commence ce mois-ci par les généralités. Après avoir beaucoup exploré le monde propre d’Into the Odd avec la première version, j’avais envie d’éprouver de nouvelles sensations, d’écriture et de jeu. Cela me pousse à avoir envie d’un autre cadre , plus délimité, moins flou. Immédiatement, une évidence s’est imposée, Londres. (Je crois que pour beaucoup de MJ, Bastion, la ville au cœur d’Into the Odd, est un avatar de Londres.) Naturellement, les images qui me vinrent à l’esprit furent celles d’un Londres victorien qui émerge. Pour ne pas trop céder à l’évidence, tout en l’acceptant, j’ai choisi le tout début du règne victorien, alors que la souveraine n’est pas encore consacrée, ce qui donne 1837.
Par ailleurs, quand je pense à Londres en tant que ville, je pense à la City, à la tour de Londres, au fog. Donc je vais twister ces trois éléments pour faire de Londres mon odd London. D’abord la City. Ses anciens remparts ont été reconstruits et l’armée les parcourt pour éviter toute entrée dans cette zone. Car d’étranges constructs souterrains y été ont découverts il y a deux siècles et ont provoqué des maladies dégénératives qui n’ont pu être jugulées qu’en mettant le feu à des pans entiers de la ville (le fameux incendie de 1666). Désormais, blocus. Personne n’y accède. Mais un truc en sort parfois, le fog, un brouillard dangereux, comme composé de milliers de petites bouches assoiffées de sang… Un dispositif d’alerte a été mis en place, la tour de Londres, qui sonne quand ses guetteurs voient le fog pointer le bout du nez. Voilà, c’est Londres, mais c’est un autre Londres, parfait pour des aventures à la Into the Odd !
Désormais, je me lance dans l’exploration de Londres plus en détail et je vous donne rendez-vous en février pour la suite.